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PENSÉES MIGRANTES

Je suis une migrante.


Rester fidèle à soi-même est un test de courage de nos jours.

Ce n'est pas toujours facile d'être une femme noire italienne.

J'aime mon pays de naissance, j'aime son peuple, même ceux qui me voient comme une inconnue.

J'aime son cœur.

J'espère qu'il batte pour moi aussi, que je suis une fille distante et en fuite.

Partout où je vais, j'emmène l'Italie avec moi.

Le fait de quitter la maison a ouvert des blessures là où je croyais être blindée.

S'approprier mon expérience de la migration a demandé de la patience, de la résilience, de l'audace et de la détermination.

C'est un défi de dire tout haut ce que je suis et de ne pas laisser s'installer le stéréotype de ceux qui me voient sans me voir, me pliant à une étiquette qui ne me correspond pas.

Quand on parle de migrants, on pense immédiatement à ceux qui doivent quitter leur pays sans espoir, en fuyant, vers un chemin plein d'obstacles et fait de lutte permanente.

D'une position privilégiée, ceux qui partent plutôt pour étudier, travailler ou même aimer, ne se considèrent pas comme des migrants.

Pourtant, le mouvement est là.

Ce qui différencie les deux catégories, c'est uniquement le passeport avec lequel on part et la peau qui le porte.

En tant que femme noire, non seulement je ne suis pas considérée comme italienne en Italie, mais je suis constamment renvoyée à des pays qui me sont inconnus.

J'ai la chance de connaître les langues, de pouvoir les maîtriser, de les faire miennes.

Connaître la langue quand on est migrant.e est un privilège.

J'en suis consciente.

Il nous libère de l'invisibilité, du silence et de la peur.

Nous avons une voix. Nous existons donc.

Mais dans mon cas, mon accent et mon visage ne correspondent pas.

Les gens ne comprennent pas et se lancent dans un jeu de devinettes "d'où venez-vous ? De...." et la liste de tous les pays d'Afrique noire qu'ils ont en tête commence. Face à ma réponse, que je dis maintenant presque avec provocation "je suis italienne", les réactions les plus représentatives sont un sourire amical et immobile ou mieux, un "vraiment?" incrédule.

J'ai dû apprendre la France et les Français. J'ai dû apprendre à les connaître et à me faire accepter, à m'intégrer, comme ils le disent tant de nos jours.

Il fallait que je m'explique et me révèle, que je donne de mon être petit à petit, que je les rassure sur mes intentions, que je sois une "bonne immigrante".

Pour devenir comme eux, ou au moins pour essayer.

Puis j'ai compris. Cela ne sert à rien, si ce n'est à se perdre.

Je suis une migrante.

Je suis privilégiée à bien des égards.


Peu à peu, je m'y suis habitué, j'ai appris à réagir, à réagir ou à laisser faire parce que parfois l'énergie manque.


J'ai appris à rester moi-même

pour raconter mon histoire

pour me réapproprier mes origines.


Je suis une migrante.

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